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JOY

Entretien avec Sudabeh Mortezai à Venise

13/09/2018

Sofie Cato Maas, jeune ambassadrice du cinéma LantarenVenster (Rotterdam) et membre du jury de la sélection Giornate degli Autori dans le cadre de 28 Times Cinema, a interviewé Sudabeh Mortezai, la réalisatrice de JOY, récompensé par le label Europa Cinemas à Venise. L’interview de Sofie a eu lieu lors de la cérémonie de remise des prix, le vendredi 7 septembre.

JOY

La réalisatrice Sudabeh Mortizah est assise dans le jardin de la villa des Giornate degli Autori sur le Lido, où se déroule la 75ème édition du Festival du Film de Venise. Son film JOY, qui suit une femme victime du trafic sexuel à Vienne, vient de recevoir le Label Europa Cinemas. Elle est de très bonne humeur car le film recevra une aide d'Europa Cinemas pour sa promotion. Les exploitants de salles Europa Cinemas seront encouragés à programmer le film sur leurs écrans, aidant ainsi la circulation du film et ses recettes.

Quand je demande à Mortizah si le cinéma, selon elle, est une arme politique, elle répond qu'elle ne se considère pas comme une militante politique en soi. « J'ai choisi ce sujet lorsque j'ai pris conscience de ce système de trafic de personnes au Nigéria et de son fonctionnement ». C’est le cercle vicieux de l’exploitation des femmes par les femmes qui intrigue Mortizah. Les Madames qui exploitent les femmes qui viennent du Nigéria étaient elles-mêmes d'anciennes victimes de ce trafic. Les femmes deviennent ennemies et rivales les unes des autres. « J’ai été très choquée, mais en tant que réalisatrice c'était très intriguant. C'était la raison principale pour laquelle je voulais faire ce film, pour explorer la dynamique du pouvoir. Mon but est d'humaniser ces femmes, de créer un sentiment d'empathie afin que le public comprenne d'où viennent ces femmes et les raisons de leurs actes. Le cinéma est un outil très puissant pour y parvenir, pour construire une relation humaine. »

« Le film entier est filmé de la perspective de ces femmes. Nous, les spectateurs, voyons aussi l'Europe à travers les yeux de ces femmes nigérianes. Et cette Europe est un endroit étrange, très peu accueillant. Ce n’est pas l'Europe que nous connaissons. C'était important pour moi d'avoir ce changement de perspective ». Vers la fin du film, une scène puissante montre Joy et Precious - la jeune fille dont Joy doit s'occuper - se réchauffant dans un café près de la frontière italienne, lors du festival de Saint-Nicolas. Plusieurs personnes sont déguisées en Krampus, un personnage de démon issu du folklore austro-bavarois, agissant comme des animaux, avec des masques énormes. À travers les yeux de Joy et Precious, nous avons l'impression d'assister à un rituel exotique. Nous réalisons que nous avons aussi nos croyances irrationnelles, des traditions étranges qui ressemblent presque à des rituels.

Les rituels magiques de Juju sont l'un des moyens par lesquels les trafiquants tentent de contrôler les femmes. Ces rituels sont souvent terrifiants à subir et ont pour finalité de contrôler les femmes. « Ces rituels constituent une grande partie de ce trafic. Les femmes - avant d’aller en Europe - sont conduites par un trafiquant chez un médecin et jurent de payer leurs dettes et de ne pas aller à la police. C'est un mécanisme de contrôle très puissant, dans lequel ces femmes croient fermement. »

Lorsque je demande à Mortizah ce que signifie le nouveau prix Giornate degli Autori introduit cette année, le Hearst Film Award de la meilleure réalisatrice (attribué à JOY), elle sourit. Ce prix lui tient très à cœur. « Je suis particulièrement heureuse car ils le font pour une femme cinéaste. Nous vivons maintenant un grand débat sur l'égalité des sexes dans le cinéma, un débat qui doit absolument avoir lieu. En tant que cinéaste, ce prix financier m’est aussi vraiment utile car il va me permettre de donner de la place à ma créativité. Avoir la liberté de travailler, de penser et d'essayer. »

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Sofie Cato Maas, 7 septembre 2018

Crédit photos : Diego Aparicio, ambassadeur 28 Times Cinema pour Chypre

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