Au cinéma PostModernissimo à Pérouse
Aneta Kohoutová
En tant que cinéma, nous devons chercher à inciter des artistes locaux, graphistes et journalistes à collaborer avec nous et œuvrer ainsi à être plus visibles et présents dans la vie culturelle de notre ville.
Je suis ravie d’avoir effectué un deuxième échange dans le cadre de Next/Change, l’action d’Europa Cinemas pour les échanges entre exploitants. Cette année, j’ai choisi de me rendre au cinéma PostModernissimo à Pérouse pour plusieurs raisons : ce cinéma a une identité visuelle forte, une très bonne communication et est très ancré au sein de sa communauté.
Pendant cet échange nous avons abordé toutes ces thématiques et échangé autour de nos façons de travailler. Nos cinémas se ressemblent. Je travaille pour le Bio Central à Hradec Kralove, le seul cinéma art et essai de ma ville. Nous essayons de trouver le bon équilibre entre de bons films grand public et des films européens alternatifs. Notre stratégie diffère un peu de celle du PostModernissimo, mais j’y reviendrai un peu plus loin. PostModernissimo est lui aussi le seul cinéma art et essai de sa ville. Le cinéma a rouvert en 2014 (après 15 ans de fermeture) grâce à une campagne de crowdfunding. L’actuelle société d’exploitation, qui fonctionne comme une coopérative, a bénéficié du soutien de centaines de citoyens (qui pouvaient soit faire un don, soit participer activement à la réouverture) réussissant ainsi à mobiliser toute la communauté autour du projet.
Dans mon cinéma, nous avons des activités annexes, concerts, expositions, conférences, etc. A travers notre programmation, nous nous efforçons d’attirer des publics très divers : nous travaillons en direction du jeune public notamment à travers des ateliers d’animation et nous avons des séances spéciales pour les personnes âgées et pour des parents avec des bébés. Récemment, nous avons lancé un nouveau cycle appelé « Cinéma paisible », pour les enfants et jeunes adultes atteints d’autisme ou d’ADHD. Notre cinéma est perçu comme accueillant, familial et sans pop-corn. Malgré ce travail, je voulais trouver lors de cet échange de nouveaux moyens d’impliquer ma communauté et d’attirer de nouveaux publics, en un mot construire une meilleure image de marque pour mon cinéma.
Un cinéma chaleureux et intime
Je suis arrivée à Pérouse le samedi en fin d’après-midi et je me suis rendu directement à PostModernissmo où j’ai rencontré Giacomo, un des fondateurs. Après un tour du cinéma (les salles de projections, le bar et le foyer), Giacomo m’a expliqué rapidement comment le cinéma fonctionne et m’a présenté l’équipe. Ma toute première impression (qui doit être celle du public) a été celle d’un endroit très chaleureux et intime. Je me suis tout de suite dit que ce n’est pas le cas dans mon cinéma et j’aimerais dès mon retour essayer de créer ce genre d’ambiance, si importante pour le public.
Giacomo m’a ensuite expliqué comment s’organise l’équipe. Les 4 fondateurs travaillent également au bar, à la caisse et en cabine de projection pour être au plus près des spectateurs et avoir l’occasion de leur parler. Pour mon équipe, c’est également important de parler au public et lui monter qui est derrière le cinéma. Avec mes collègues, nous essayons d’être présents lors de tous nos événements. Les spectateurs peuvent nous poser des questions sur la programmation à venir ainsi que nous faire des recommandations.
Le PostModernissimo a développé une communauté autour du cinéma grâce à une programmation éclectique. Les programmateurs sont très sélectifs et ne programment que des films qu’ils aiment, le public leur fait confiance. C’est un peu différent dans ma ville. Nous essayons également de programmer des films qualitatifs à nos yeux, anciens et récents mais la plupart des gens veulent voir surtout des blockbusters. Nous adaptons donc notre programmation au goût du public plutôt que d’adapter le public à notre offre.
Giacomo et son équipe travaillent en étroite collaboration avec l’université et permettent aux étudiants de créer leur propre programmation et organiser des événements. Les séances des étudiants ont lieu chaque samedi et le film est choisi par les étudiants. Dans mon cas nous organisons également un ciné-club pour étudiants mais nous participons au choix des films. J’ai beaucoup apprécié le fait que le PostModernissimo laisse les étudiants autonomes dans leurs choix. Malheureusement notre université n’a pas de département d’art et nos étudiants sont par conséquent moins cinéphiles.
Impliquer des artistes locaux
Nous avons parlé longuement de leur identité visuelle, qui a joué un rôle clé dans la campagne de crowdfunding. PostModernissimo travaille avec un studio de graphistes qui a rejoint le projet dès l’origine. L’idée était justement d’impliquer différents artistes non seulement locaux mais aussi à une échelle nationale. PostModernissimo a dans toute sa communication un graphisme très beau qu’on retrouve sur des goodies que l’on peut acheter (t-shirts et sacs en coton) et des posters originaux, non seulement pour leur programme habituel, mais plus généralement pour tous leurs événements.
En plus de nos rendez-vous et discussions sur les tâches quotidiennes d’un cinéma et les différences culturelles entre l’Italie et la République tchèque, j’ai pu assister à quelques séances spéciales. Le lundi soir, PostModernissimo accueillait le fameux acteur et réalisateur italien Valerio Mastandrea qui a présenté son dernier film, Ride. Les séances simultanées dans les deux salles étaient complètes. L’ambiance était très agréable et j’ai pu rencontrer des personnes de la scène culturelle locale avec qui j’ai beaucoup parlé du rôle de ce cinéma dans la vie culturelle de la région.
Tous les rendez-vous, expériences et rencontres ont été très riches et m’ont aidé à avoir une nouvelle perspective sur mon travail. En tant que cinéma, nous devons être au plus proche de notre public, lui montrer qui travaille dans ce lieu, par exemple. Nous devons chercher à inciter des artistes locaux, graphistes et journalistes à collaborer avec nous et œuvrer ainsi à être plus visibles et présents dans la vie culturelle de notre ville.
Aneta Kohoutová, Directrice de Bio Central
Décembre 2018
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http://www.postmodernissimo.com/
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(traduis de l'anglais)