Entretien avec Ida Thorén
Fyrisbiografen, Uppsala, Suède
A travers une série d’entretiens avec les exploitants membres de son comité de validation, Europa Cinemas réalise un état des lieux de l’exploitation indépendante en Europe en ces temps de crise.
1 - Tout d’abord, comment allez-vous ?
Je vais bien, malgré l’étrange, imprévisible et stimulante période que nous traversons actuellement.
2 - Comment gérez-vous cette situation particulière d’un point de vue professionnel ? Actuellement, pouvez-vous travailler, vous-même et vos collègues ?
Notre modeste cinéma Art et Essai est toujours ouvert, malgré une fréquentation en forte baisse. En Suède, comme vous le savez peut-être, nous avons reçu des directives et recommandations de la part de l’autorité en charge de l’épidémie, mais il n’y a pas de mesure de confinement stricte.
Notre activité pouvant perdurer dans le cadre de ces mesures grâce à quelques adaptations, et nos projections étant principalement assurée par des bénévoles, nous pouvons toujours offrir à notre public (réduit aux personnes ne présentant pas de symptôme) un échappatoire à la réalité grâce au monde des films.
Cela peut sembler étrange, mais nous sommes convaincus de jouer un rôle important pour les quelques visiteurs qui se rendent toujours dans notre cinéma pendant cette crise.
3 - Quels projets vous ont paru intéressants pour maintenir une activité et lesquels avez-vous pu mettre en place ? Ces initiatives modifient-elles votre cœur d’activité ?
Notre public nous a manifesté énormément d’affection et beaucoup nous ont demandé comment ils pouvaient nous soutenir durant cette crise. C’est merveilleux ! Je vois beaucoup de personnes qui ont envie d’aider et des cinémas qui adaptent leurs activités à la situation actuelle.
Une de ces initiatives vient d’une plateforme VOD suédoise que nous adorons, Draken Film. Lorsqu’ils ont remarqué une forte hausse des inscriptions au début de la crise, ils ont décidé de reverser une part de ces revenus supplémentaires aux cinémas Art & Essai. Concrètement, nous proposons à notre public de s’inscrire sur le site de streaming afin de regarder de nombreux films de qualité à la maison. Nous recevons la moitié des recettes comme soutien de la part de Draken Film. Notre cinéma compte environ 340 inscriptions en notre nom, ce qui signifie beaucoup à nos yeux dans la période actuelle. Grâce à cette collaboration, nous invitons également notre public à approfondir leur cinéphilie !
Nous avons aussi lancé un groupe Facebook privé qui sert de ciné-club pour Draken Film, où nous, l’équipe du cinéma, ainsi que les utilisateurs, partageons nos coups de cœurs. Je pense que c’est une nouvelle façon d’agir pour nous tous : plutôt que d’être en concurrence avec les services de VOD, nous coopérons pour développer la cinéphilie d’un public commun.
Avec d’autres cinémas suédois, nous avons par ailleurs copié un nouveau concept inventé par un autre petit cinéma suédois local, La Scala. Ce concept, « Jukebox Cinema », propose d’organiser une projection privée pour un groupe d’amis ou une famille et de choisir le film. C’est une initiative formidable dans les circonstances actuelles. Hier par exemple, nous avons eu un anniversaire autour du film BAIT (Mark Jenkin, 2019, GB). Nous constatons que les gens apprécient vraiment cette opportunité de choisir un film et d’avoir une salle de cinéma pour eux.
4 - Pensez-vous que ces nouvelles activités pourraient perdurer après la période de la pandémie ?
J’espère que nous sommes tous conscients des aspects positifs qui accompagnent cette crise et que ce superbe lien avec le public se prolongera, peut-être même de façon encore plus novatrice et généreuse !
5 - Quelle est, en Suède, la réponse de l’Etat et des institutions publiques locales en faveur des salles de cinéma ? Des soutiens financiers existent-ils ou sont-ils en train d’être étudiés ?
En Suède, nous avons un soutien du gouvernement sur les salaires. Et le gouvernement a annoncé une aide supplémentaire au secteur culturel de 500 millions de Couronnes (46 millions d’Euros). Mais cela n’est pas encore acté. L’institut Suédois du Cinéma gère un soutien plus rapide et opérationnel d’ici là.
Je suis optimiste sur le fait que cette crise va stimuler le soutien de notre public et rendre visible le rôle des cinémas indépendants dans la société. Dans des moments comme celui-ci, nous ne pouvons rien prendre pour acquis et je crois que le lien entre les organisations et la population est renforcé. Continuons le combat et prenez soin de vous !
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Lisa Püscher, Antoine Bernard
Avril 2020
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Photos : Olle Agebro
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