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Europa Cinemas fête ses 25 ans

Filmecho

01/12/2017

La 20ème conférence d'Europa Cinemas marque aussi le 25ème anniversaire du réseau. Claude-Eric Poiroux est revenu à cette occasion pour Filmecho sur le quart de siècle écoulé et sur les défis qu'il reste à relever dans les prochaines années.

Europa Cinemas fête ses 25 ans

Europa Cinemas fête cette année son 25ème anniversaire. Quel est votre bilan après ce quart de siècle de cinéma européen art et essai ?

Célébrer les 25 ans d’Europa Cinemas c’est faire le constat qu’il existe désormais en Europe un réseau de salles qui s’est créé de lui-même et qui a progressivement élargi son champ d’action pour devenir la première porte d’accès au public pour les films européens à l’échelle de tout le continent. C’est unique et historique. Ce premier quart de siècle est suffisant pour que l’on puisse considérer que ce réseau est solide et pérenne. C’est un formidable exemple pour la construction européenne puisqu’il s’agit d’une initiative professionnelle qui s’est concrétisée avec le soutien de la Commission et de son programme MEDIA. Aujourd’hui le bilan est impressionnant : ce réseau assure au cinéma européen d’auteur plus de 60% de ses revenus et donne aux films qu’il programme une visibilité et une rentabilité qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs. 25 ans d’existence c’est un socle indestructible pour le futur du cinéma européen.

Le marché du film européen est-il plus fort qu’auparavant et quels sont défis à relever à l’horizon des trois prochaines années ?

Il y a plusieurs façons d’évaluer la force et l’évolution du marché européen. En terme de production d’abord : en une douzaine d’années, de 2003 à 2016, on est passé de 754 à 1740 films produits sur le continent, c’est dire combien il devient difficile de donner une chance à chacun d’entre eux dans un parc de salles qui évolue moins vite. Cette dispersion fausse les résultats : beaucoup plus de films circulent sur le continent mais leur nombre d’entrées ne progresse pas en proportion, sauf pour les têtes d’affiches. Ce qui est sûrement à mettre au crédit d’Europa Cinemas, c’est que le marché actuel ne se résume pas à ces têtes d’affiches. Nous apportons la diversité et la qualité d’exposition pour des films de toutes catégories, de tous budgets et de toutes formes d’écritures artistiques. C’est donc une garantie offerte aux réalisateurs et aux producteurs qui veulent prendre des risques. Quant aux défis du futur, ils sont bien sûr du côté du renouvellement du public de la salle au milieu d’une pluralité d’offres en ligne et de pratiques qui cachent finalement une grande uniformité de consommation et de péremption. La salle doit donner aux films le temps d’exister et de se singulariser pour que le public ait à son tour la faculté de choisir et de s’aventurer.

Vous avez toujours été hautement impliqué dans la promotion de la diversité du cinéma européen. Dans cette période marquée par le Brexit, le renforcement des mouvements nationalistes, les attaques terroristes et l’arrivée massive de réfugiés, quel espace reste-t-il pour la culture et l’unité européenne ?

C’est paradoxalement dans les périodes troublées que la culture doit jouer son rôle de trouble-fête et que l’union devient une valeur pour ceux qui ne se résignent pas. Or le cinéma européen n’est pas l’art de l’oubli ou de la diversion. Nombre de films que nous diffusons dans nos salles ont cette capacité d’entraîner l’imaginaire des spectateurs vers des histoires de notre temps où le monde d’aujourd’hui a toute sa place, fictionnelle ou documentaire. Quelques titre récents de Kaurismäki (LE HAVRE), Fatih Akin (IN THE FADE), Rosi (FUOCOAMMARE), Loach (I, DANIEL BLAKE), Suzanne Bier (BROTHERS), Mundruczo (JUPITER'S MOON), Gamze Ergüven (MUSTANG), ou tout récemment de Philippe Van Leeuw (INSYRIATED) viennent nous rappeler que les cinéastes européens sont bien nos contemporains et qu’ils trouvent leur inspiration dans le temps présent. Et puis dans notre réseau nous n’agissons pas qu’avec l’arme de la diversité ou du débat, beaucoup d’exploitants mettent en place des dispositifs innovants pour faciliter l’accès de leurs salles à tous les publics y compris ceux qui ont le plus de peine à trouver leur place dans nos sociétés souvent inégalitaires ou fermées.

La 20ème conférence Europa Cinemas va se tenir à nouveau à Bucarest, après 10 ans. Pourquoi avez-vous pris la décision de retourner en Europa de l’Est ?

Nous revenons à Bucarest pour la 2e fois comme nous l’avions déjà fait à Prague il y a deux ans. La Roumanie est un pays très paradoxal avec une créativité exceptionnelle du côté des ses auteurs et de grandes lacunes dans la diffusion en salles. En 10 ans le réseau Europa Cinemas y a progressé mais nous pensons qu’il y a une réelle carence de salles indépendantes art et essai. C’est donc une bonne idée d’attirer à Bucarest les meilleurs exploitants d’Europe pour conforter leurs collègues roumains et si possible donner une impulsion aux professionnels et aux administrations nationales afin de  faciliter l’implantation de salles de cinéma autres que des multiplexes standard très pauvres en programmation européenne.

Quels sujets avez-vous prévu d’aborder à la conférence ?

La Conférence de Bucarest va prendre appui sur la survey STRATEGIC INVESTMENTS IN THE FUTURE OF FILMS que nous publions à cette occasion. Nous  mènerons une réflexion collective  sur les priorités et les choix concrets  à faire en matière d’investissements, de marketing et de management  pour mieux connaitre nos publics et développer chez les  jeunes en particulier le goût de la découverte et de la pratique des films en salle. Nous sommes entre professionnels, nous allons donc être assez techniques sur les outils à développer dans le domaine des datas, des réseaux sociaux, du marketing viral et bien sûr de l’animation culturelle de nos lieux. Plus que jamais les exploitants sont conscients du rôle de leurs salles pour défendre sur le terrain la diversité du cinéma européen et donc sa viabilité économique.

Quels ont été pour vous les films marquants de l’année 2017 ?

Une première remarque : les palmarès des deux grands festivals du premier semestre (Berlin-Cannes) ont été très européens, ce qui laisse présager une programmation 2017 plutôt qualitative dans nos salles. A titre personnel, je suis heureux de la reconnaissance des cinéastes européens dans le cinéma mondial. Je suis également attentif au cinéma émergent, je pense à SUMMER 1993 meilleur premier film espagnol, à FELICITE grand prix du Jury, tous les deux à Berlin, à A CIAMBRA, Label Europa Cinemas à Cannes ou à la coproduction israélo-européenne FOXTROT que nous allons présenter à la Conférence de Bucarest.

 

Propos de Claude-Eric Poiroux recueillis par Stefan Gehrke pour Filmecho.