Au Buda Kunstencentrum à Courtrai
James Calver
Ce qui m’a beaucoup inspiré c’est l’implication totale avec laquelle Buda répond aux besoins des membres de leur communauté qui n’ont généralement pas de contact avec la culture, en soignant particulièrement les modalités d’accès pour qu’elles soient similaires pour tous les publics. Leur volonté d’aider ceux qui sont oubliés des autres secteurs sociétaux transparait dans tout ce qu’ils font – c’est le carburant qui leur donne la force d’offrir une programmation qui propose des contenus où tout le monde se retrouve.
Au cours de ces dernières années en poste à l’Independent Cinema Office (ICO), ce que j’ai principalement appris sur le développement des publics concerne les spectateurs du Royaume-Uni. Pour étendre mes connaissances, il me semblait indispensable de prendre en compte ce qui se passe ailleurs afin de mieux comprendre comment une plus large variété de publics, dans des environnements différents, est influencée dans son rapport avec la salle de cinéma.
Si l’ICO n’est pas en contact direct avec le public des salles, nous n’en sommes guère éloigné, et la majorité de ce que nous accomplissons a une influence directe sur les publics des cinémas indépendants du Royaume-Uni. Il est de ce fait impératif que nous nous ouvrions, en tant qu’institution, à un ensemble d’expérience spectatoriales pour enrichir notre travail.
La large gamme de projets organisés par Buda est indéniablement incroyable mais ce qui est vraiment édifiant c’est d’observer que cela vient d’un réel désir d’étendre l’offre culturelle à toutes les personnes qui habitent Courtrai, plutôt que de se limiter à attirer différents types de public vers leur cinéma.
Le programme ROOTS en est une belle illustration, une initiative qui se déploie sur toute la ville pour présenter l’offre culturel aux jeunes qui viennent d’arriver à Courtrai. Neuf groupes de jeunes, âgés de 12 à 18 ans, passent 9 semaines alternativement dans les différents lieux et institutions culturels de la ville comme le cinéma, le théâtre, ou l’opéra.
Bien loin de se reposer sur ses lauriers, l’équipe de Buda organise aussi d’autres projets liés au développement du public afin d’être au service des différentes tranches d’âge chez les jeunes. Pour les enfants trop jeunes pour le programme ROOTS, il y a le programme des Ambassadeurs de Buda, un groupe d’enfants intéressé par le cinéma présente des projections et anime des Q&A dans le cadre de la programmation Jeune Public appelée CineMAATjes.
Pour les plus âgés, il y a aussi le programme cineMOATn qui vise à donner aux jeunes entre 15 et 21 ans l’opportunité de faire preuve d’esprit pratique et d’investir le cinéma pour organiser leur propre événement, en choisissant les films, la date de l’événement et en assurant la promotion eux-mêmes avec le soutien de l’équipe du Buda si nécessaire. La plupart du temps, ils sont autonomes.
Le fil conducteur qui lie ces différents programmes est la volonté de soutien aux personnes issues de milieux défavorisés. Par exemple, le projet ROOTS est destiné en priorité aux jeunes primo arrivants des écoles OKAN qui regroupent des structures soutenant les réfugiés sociaux, politiques et économiques de Belgique. Le programme cineMOATn, s’il a d’abord été ouvert à tous les 15 - 21 ans, cible davantage à présent les jeunes qui dépendent de centres de réhabilitation.
Ce qui m’a beaucoup inspiré c’est l’implication totale avec laquelle Buda répond aux besoins des membres de leur communauté qui n’ont généralement pas de contact avec la culture, en soignant particulièrement les modalités d’accès pour qu’elles soient similaires pour tous les publics. Leur volonté d’aider ceux qui sont oubliés des autres secteurs sociétaux transparait dans tout ce qu’ils font – c’est le carburant qui leur donne la force d’offrir une programmation qui propose des contenus où tout le monde se retrouve.
Or, cette attitude s’avère être contagieuse. Afin de permettre ces activités, les membres de Buda ont créé le Buda Film Fund qui regroupe deux composantes. La première composante rassemble des commerces locaux et des sociétés qui ont la générosité de faire des dons pour soutenir cette cause et il y aussi le Buda Film Friends, un groupe de 100 cinéphiles qui donnent avec plaisir 50 euros afin de permettre aux personnes moins privilégiées de profiter du cinéma. Sans ce soutien, l’équipe de Buda n’aurait pas du tout pu mettre en place de si nombreuses initiatives, c’est pourquoi communiquer autour de leur démarche avec leur clientèle mais aussi avec la communauté locale plus aisée représente une grande partie de leur mission.
C’est cette inspiration que j’espère rapporter à ICO et dans les différents lieux culturels et structures indépendantes que nous rencontrons et avec lesquelles nous travaillons quotidiennement, cette idée que malgré les apparences, les gens ont toujours envie de soutenir ceux qui sont moins avantagés qu’eux et qu’il suffit d’une structure motivée pour servir de catalyseur.
__
James Calver, Independent Cinema Office
Octobre 2019
Crédits photos : Jonas Verbeke
__