Au cinéma Filmcasino à Vienne
Anne Lakeberg
Comme dans ma salle berlinoise, l’architecture de Filmcasino étonne les spectateurs et les transporte dans le passé. Bien sûr, la programmation, le marketing et les flyers pour les évènements contribuent fortement à faire de cette salle un cinéma spécial.
Du souvenir de LA BOUM à la visite du Filmcasino de Vienne
J’ai appris l’existence de Next/Change via des exploitants qui avaient déjà fait des échanges dans le cadre de cette action d’Europa Cinemas. Il était assez clair pour moi que je voulais aller au Filmcasino de Vienne. J’ai découvert ce cinéma – mais à distance – grâce au film LA BOUM, que mon collègue et moi distribuons dans les territoires germanophones. Filmcasino avait programmé le film. La promotion avait été faite bien en avance et j’étais heureuse que la séance soit presque complète. J’ai réalisé que l’équipe de la salle sélectionne avec attention des films récents et des classiques, mis en valeur par des cycles et des événements (LA BOUM était accompagné d’une soirée dansante années 80). Il y a des similitudes avec la programmation que nous faisons au City Kino Wedding. En outre, nos deux cinémas sont des mono-écrans et se trouvent dans des bâtiments historiques. Cet échange m’intéressait car je voulais échanger sur la façon de programmer un mono-écran pour qu’il touche des publics divers.
Filmcasino – un cinéma imprégné d’histoire
Filmcasino est situé à Margareten, un quartier très animé de Vienne. Le cinéma a été construit en 1911 puis a été complètement rénové dans les années 50. Le bâtiment me fait davantage penser aux années 50, notamment par son design intérieur. Le foyer étroit et l’ancienne caisse sont comme des éléments de patrimoine, mais le logiciel de caisse est moderne et l’on peut réserver ses places en ligne. La salle de 254 sièges est impressionnante. Comme dans ma salle berlinoise, l’architecture étonne les spectateurs et les transporte dans le passé. Bien sûr, la programmation, le marketing et les flyers pour les évènements contribuent fortement à faire de cette salle un cinéma spécial.
Cycles de films, festivals, évènements – le programme foisonnant du Filmcasino
Avec environ 70 000 spectateurs par an, le Filmcasino exploite au mieux son unique écran. Outre les films d’auteur réguliers que le cinéma programme exclusivement en VO avec des sous-titres allemands, de nombreux cycles sont organisés : STADTSTREIFEN (série de films sur l’architecture avec débats), CINEMORNING (séances pour les enfants le matin avec service de garderie), SLASH - FESTIVAL DES FANTASTISCHEN FILMS, CINE-LATINO (co-organisé avec un cinéma de Salzburg), KINO & KUCHEN (avec un sponsor qui fournit café et gâteaux).
Le Filmcasino est un cinéma extrêmement actif. Il produit ses propres flyers pour chaque cycle de films et co-programme avec ses partenaires certains des événements (comme Cine Latino ou Slash) afin de toucher de nouveaux publics. Le cinéma a une brochure mensuelle avec les dates de sorties des films (mais sans les horaires) et les évènements à venir. La flexibilité est importante pour le succès d’un cinéma. Notre brochure est complètement définie un mois à l’avance et nous ne sommes pas capables de réagir au succès des films en ajoutant des séances supplémentaires. Je me suis ainsi demandé si nous pourrions prolonger la vie de films que nous avions prévu de retirer de l’affiche. Est-ce que notre programmation mensuelle entraîne des bénéfices moindres ? Voilà une question que je me pose désormais.
D’autre part, le Filmcasino peut être privatisé. Il l’est souvent, notamment parce que c’est un bâtiment historique, d’où des revenus supplémentaires.
Distribution et exploitation – une symbiose typique Viennoise
Evidemment, il ne faut pas oublier que le Filmcasino, ainsi que le cinéma Filmhaus am Spittelberg, repris il y a un an – sont exploités par Polyfilm GmbH, une société de distribution. Comme dans plusieurs cas à Vienne, les exploitants sont distributeurs et vice-versa. C’est très intéressant car leur économie est plus stable et ne dépend pas seulement des recette d’un film. Du côté distributeur, cela signifie qu’il y aura au moins un cinéma à Vienne qui jouera les films. Cela permet aussi d’éviter des discussions avec les distributeurs et des demandes parfois irréalistes. L’équipe du Filmcasino s’investit aussi dans la distribution, les stratégies de marketing développées pour la distribution peuvent être adaptées au cinéma et la charge de travail peut être atténuée des deux côtés. En Allemagne, il y a des distributeurs qui ont des salles de cinéma mais ce modèle est tout de même beaucoup plus rare, même si cette association semble parfaite, d’un point de vue économique.
Conclusion
L'échange à Vienne effectué grâce à Europa Cinemas a été une véritable inspiration, l’opportunité de changer de point de vue, de s’inspirer des expériences des autres et de les appliquer à soi. Je suis rentrée à Berlin très motivée et contente. L’enthousiasme avec lequel Gerald Knell et son équipe travaillent m’a rappelé que cet enthousiasme est primordial pour la réussite d’un cinéma. J’ai également réalisé de nouveau qu’exploiter un cinéma n’est pas une tâche facile : les exploitants doivent être managers, programmateurs, entrepreneurs et tenir compte des tendances, être sensibles aux sujets sociaux, avoir un bon relationnel, être de bons communicants, s’y connaitre en réseaux sociaux et être capables de développer des stratégies marketing. Travailler dans un cinéma, c’est un job polyvalent et c’est précisément ce qui est si passionnant et gratifiant.
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Anne Lakeberg, City Kino Wedding
Juillet 2019
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