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Au Cinéma Le Méliès à Saint-Etienne (France)

Harmen Huizenga

15/04/2018

L’esprit d’équipe, la responsabilité de chacun se ressentent fortement et dégagent beaucoup de force de travail, d’engagement et une forte identité sans que celle-ci soit absurde. Avec la richesse de la programmation, c’est ce qui fait que ce cinéma fonctionne aussi bien malgré le manque de ressources.

Au Cinéma Le Méliès à Saint-Etienne (France)

Une programmation pour se démarquer

Début 2017, j’ai commencé à travailler pour le cinéma Slieker Film en tant que programmateur. Ma principale responsabilité était d’établir le programme hebdomadaire, composé à la fois de films récents et en continuité. Je suis fortement convaincu que la programmation d’un cinéma d’art et d’essai indépendant ne peut pas (et ne doit pas) se contenter d’être une sélection d’un ou deux titres sur les huit qui sortent chaque semaine aux Pays-Bas. Mon objectif était donc de diversifier le programme du cinéma en créant des événements, des cycles, des focus. Honnêtement, c’est un grand défi car nous ne disposons pas de beaucoup de ressources pour monter une programmation nécessitant une attention particulière en termes de promotion, de communication interne et externe et de technique. Je suis content, en un an, d’avoir réussi à créer une série d’événements et des soirées se distinguant du programme régulier. C’est de cette façon que Slieker peut et doit se démarquer dans le paysage culturel de la ville de Leeuwarden, notamment avec l’arrivée de deux nouveaux multiplexes. 

Pourquoi Le Méliès ?

Dans le cadre du programme Next/Change, je voulais étudier un cinéma qui se distingue clairement des autres par ses évènements et par une programmation régulière forte. Quoique différent en termes de taille (écrans, fauteuils) et d’organisation, Le Méliès se trouve dans une ville qui présente un paysage culturel proche de celui de Leeuwarden. Saint-Etienne est une ancienne ville industrielle (minière) avec une population de 150 000 habitants – similaire à Leeuwarden, ville de 100 000 habitants au nord des Pays-Bas. Outre Le Méliès, deux multiplexes appartenant à un seul groupe opèrent dans l’agglomération.

L’équipe du Méliès est composée de 9 personnes qui travaillent à temps plein. Ensemble, ils exploitent 2 cinémas, Le Méliès Jean-Jaurès et le Méliès St-François, avec un total de 6 écrans et une moyenne de 210 séances par semaine. Pendant ma visite, j’ai été principalement accompagné par Sylvain Chevreton, qui maîtrise parfaitement l’anglais et travaille pour Le Méliès depuis 2007. Mes objectifs étaient d’apprendre comment Le Méliès s’organise et survit dans un environnement concurrentiel, avec des ressources limitées, et d’en savoir plus sur les événements organisés et leur méthode pour renouveler le public tout en le rajeunissant.

2 cinémas / 6 écrans / 9 salariés

145 000 entrées annuelles 

 

Programmation mensuelle versus hebdomadaire

Le Méliès a une programmation mensuelle et non hebdomadaire, ce qui ne peut être négligé. J’en ai beaucoup parlé avec Sylvain Pichon, le responsable de la programmation et il a été très clair dans ses arguments. Programmer sur un mois donne au Méliès plus de temps pour promouvoir les films. Cette communication mensuelle passe par « La Gazette », magazine très important. Cela laisse moins de marge de manœuvre, certes, mais il est possible de garder un film qui attire beaucoup de spectateurs le mois suivant si nécessaire. L’inconvénient est à l’inverse de programmer sur 3 semaines un film qui n’attire pas de spectateurs.

En tant que salle de première sortie, Slieker Film travaille sur une base hebdomadaire, avec des prolongations de films qui ont bien marché la semaine précédente. Mais après avoir visité Le Méliès, l’idée de programmer au mois m’est restée en tête. C’est une transition à laquelle Slieker Film doit sérieusement réfléchir compte tenu de faibles ressources pour la communication. Une programmation mensuelle nous permettrait de trouver le temps de communiquer sur notre programme dans son ensemble et de cibler le public de certains films comme le fait Le Méliès.

Cette Gazette mensuelle est donc une clé de la communication du Méliès. Une version papier est tirée à peu près à 23 000 exemplaires, diffusée dans la ville et aux alentours. En ayant un faible pour la version papier, j’aime beaucoup ce programme et l’équipe du Méliès a le mérite de créer un espace intelligent pour les publicités, nécessaire et suffisant pour financer le tirage sans faire de profit.

Evènements

Pendant la semaine de ma visite, plusieurs événements ont eu lieu. Deux soirées film + débat étaient programmées le lundi et le mardi, dont la séance, complète, de L’intelligence des arbres (350 spectateurs) pour laquelle 250 (!) spectateurs ont dû être refusés. Bon exemple d’une séance programmée très en avance et pour laquelle Le Méliès a pu coopérer avec des partenaires locaux pour promouvoir le film ! Le lendemain, une deuxième séance a été programmée pour janvier 2018, les places partant vite.

Le mercredi, le réalisateur palestinien de Derrière les fronts était invité par Le Méliès pour faire un débat. Je ne suis pas allé à cette séance parce qu’un employé du Méliès, Nicolas, m’a amené au Gran Lux, un endroit incroyable de Saint-Etienne qui célèbre « la projection pellicule sous ses innombrables formes ». L’immense laboratoire, les projecteurs en 16mm et en 35mm et la salle de projection intime ont retenu mon attention dans ce cinéma où on sentait l’odeur de la pellicule.

Comme le jeudi était réservé à la longue réunion hebdomadaire de l’équipe du Méliès en français, j’ai profité de cette occasion pour visiter le Parc-Musée de la Mine pour avoir un aperçu de l’histoire de la classe ouvrière de Saint-Etienne, l’un des facteurs marquants de son identité. Le dernier jour de ma visite, j’ai participé à une projection Skype me if you can, une initiative conçue par Slyvain Chevreton il y a 6 ans qui permet au public de parler avec des réalisateurs du monde entier. Le réalisateur Jan P. Matuszynski était « présent » pour parler de son dernier film The Last Family et cette session de 45 minutes de débat par Skype avec le public a été le dernier évènement d’une semaine bien remplie.

Un pour tous et tous pour un

En repensant à ma visite au Méliès, je suis convaincu que la force de ce cinéma incroyable vient en grande partie de l’organisation horizontale et non-hiérarchique : chaque personne est aussi importante qu’une autre et tout le monde peut s’occuper de tout, de la caisse à la communication ou à la projection et toutes les tâches qu’implique l’administration d’un cinéma. Sylvain Pichon est la personne qui rassemble l’équipe et qui a le plus d’expérience et une vue d’ensemble – sur la programmation du Méliès ainsi que sur l’organisation. L’esprit d’équipe, la responsabilité de chacun se ressentent fortement et dégagent beaucoup de force de travail, d’engagement et une forte identité sans que celle-ci soit absurde. Avec la richesse de la programmation, c’est ce qui fait que ce cinéma fonctionne aussi bien malgré le manque de ressources. Je me sens très chanceux d’avoir pu ressentir l’énergie positive de l’équipe et je crois que beaucoup de cinémas devraient faire leur possible pour créer une telle ambiance.

L’organisation et l’éthique de travail sont combinées avec une programmation très riche et diverse. Le Méliès accorde une place importante aux films Jeune Public ainsi qu’aux films de patrimoine (le cycle « Back to the future »). La diversité du programme du cinéma est pour moi l’exemple d’une excellente programmation et même si nous ne pouvons pas tout mettre en œuvre au Slieker, je vais au moins essayer d’organiser plus de débats et mettre en place des partenariats avec des organisations de notre ville et région. C’est facile à mettre en place et n’entraîne pas de coûts supplémentaires. Idem pour les « Skype me if you can ». Sylvain a réussi à faire des débats Skype avec des réalisateurs comme Jeff Nichols ou John Carpenter et attiré ainsi beaucoup de jeunes dans la salle. C’est très encourageant. J’essaierai également d’organiser ce genre de débats. Et qui sait, peut-être que tout cela se fera dans le cadre d’une programmation mensuelle et non plus hebdomadaire, parce que, comme je le disais tout à l’heure, j’y vois beaucoup d’avantages pour nous.

Harmen Huizenga, Programmateur de Slieker Film

Décembre 2017

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http://www.lemelies.com/

http://sliekerfilm.nl/

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(traduit de l'anglais)