De Thessalonique à Paris
Maria Poliviou & Valentina Tsalampouni
Maria Poliviou et Valentina Tsalampouni des cinémas Olympion et Warehouse 1 à Thessalonique nous racontent ici leur visite de quatre cinémas emblématiques à Paris : Le Mélies Montreuil, Le Balzac, le Louxor et le Studio des Ursulines.
Nous avons rencontré Stéphane Goudet, le directeur du Méliès, lorsqu'il est venu à Thessalonique au printemps 2023 pour donner une masterclass dans le cadre du 23e Festival du film francophone qui s'est tenu dans nos cinémas.
Au cours de sa courte visite, nous avons appris à connaître Le Méliès, sa programmation unique et le rôle important qu'il joue dans sa communauté. Nous avons rapidement réalisé que nos cinémas partagent de nombreuses similitudes, même s'ils opèrent dans des environnements différents (il est géré par une association à but non lucratif et il s’agit d’un complexe multi-écrans d’une importance très significative pour sa communauté). Notre objectif avec Next/Change était de comprendre l'essence de ce qui fait du Méliès un centre culturel si vivant à Montreuil et de voir comment nous pourrions mettre en œuvre ces bonnes pratiques dans notre propre cinéma.
Afin de découvrir Le Méliès du point de vue du spectateur et de mieux comprendre sa structure et son fonctionnement, nous nous sommes efforcés d'assister à des projections aussi nombreuses et diversifiées que possible : une séance de questions-réponses avec Michel Gondry animée par Stéphane après la projection du LIVRE DES SOLUTIONS, une séance à midi d'un film d'animation destiné aux très jeunes enfants, une séance destinée aux personnes handicapées mentales, une séance d'un film africain organisée en collaboration avec une association locale et en présence du réalisateur.
Ainsi, l'équipe du Méliès met en place un programme diversifié, entièrement inclusif, composé de films nouveaux et anciens ainsi que de projections spéciales. Le cinéma a quelque chose à offrir à tout le monde. Il collabore avec de nombreuses associations pour projeter des films et s'engager auprès du public. Par exemple, la séance-senior, deux fois par mois, donne l’occasion aux personnes âgées de partager leur expérience de la séance autour d’un thé. De leur côté, les nouveaux parents peuvent aller une fois par mois avec leurs nouveau-nés regarder un film incontournable avec les « Bébés bienvenus ». Le ciné-relax, une fois par mois, invite les personnes handicapées mentales à s'exprimer librement pendant la projection. De plus, de nombreuses projections sont organisées pour les malvoyants et les malentendants. Enfin, le programme du circuit court projette des courts métrages réalisés par des cinéastes de Montreuil ou des films produits dans la région, sur grand écran. Ainsi, des parties de la communauté deviennent visibles, créant un sens plus fort de la communauté, le Méliès étant le point de rencontre.
La programmation décrite ci-dessus, ainsi que la visibilité des programmateurs, connus du public (puisque dans la plupart des cas, ils étaient présents lors des projections, présentant les films ou répondant aux questions) ont créé une atmosphère détendue et accueillante pour tous.
Ce sentiment d'aisance et de familiarité se traduit également en termes d'espace, dans la conception simple et fonctionnelle du foyer, des espaces communs, des salles de cinéma - tous les détails indiquent qu'il s'agit d'un espace destiné à être habité par le public, comme un médiateur invisible entre le public et les films.
Le Méliès accorde une grande importance au jeune public. Alan Chike, responsable du programme jeune public, a consacré beaucoup de temps à nous expliquer en détail son travail. Il s'est assuré que nous comprenions d'abord le travail de l'État et du CNC, qui proposent un programme de films soigneusement organisés et sélectionnés pour tous les niveaux scolaires, dans le but de familiariser les élèves avec les salles de cinéma et l'art cinématographique. Grâce à un processus sélectif, le Méliès collabore avec des écoles et des enseignants passionnés. Les élèves visitent les Méliès pendant la durée du programme, se familiarisent avec le lieu et ont l'impression d'être dans leur salle de cinéma. Outre les projections scolaires, des projections pour enfants sont organisées régulièrement, en fonction de l'âge des élèves. Le programme se concentre principalement sur les petits films d'animation art et essai, tout en accueillant quelques grands films d'animation de studio. Ils aiment aussi garder leur jeune public engagé en organisant un ciné-gouter (collation après le film), un ciné-atelier (projection et activités) ou bien encore la première projection enfant (remise d’un diplôme).
En outre, il y a le ciné-club où les enfants de l'école secondaire font partie d'un club de cinéma organisé par Alan où ils doivent, entre autres, choisir un film qui sera projeté au Méliès et le présenter au public. L'attention qu'ils portent au jeune public est telle qu'elle se répercute sur les performances globales du cinéma. Il représente un tiers des entrées.
Notre visite au Méliès nous a inspirés et motivés pour créer une offre encore plus diversifiée d'expériences cinématographiques pour notre public. L'une des premières idées que nous prévoyons de mettre en œuvre est la projection de nouveaux films adaptés aux bébés. Nous choisirons le film "incontournable" du mois qui sera projeté dans des conditions adaptées aux nouveau-nés (son réduit et lumière tamisée). C'est un concept tout à fait nouveau dans les cinémas grecs, que nous espérons pouvoir mettre en place.
En ce qui concerne le jeune public, nous avions l'intention de repenser complètement notre approche pour la prochaine saison - pour commencer, nous prévoyons de diviser le public en plusieurs sous-catégories dans le but d'offrir un contenu plus adapté à chaque groupe d'âge. La réunion très approfondie que nous avons eue avec Alain s'avérera certainement très précieuse. Les cinémas grecs ne bénéficient en aucun cas du même niveau de soutien de la part du gouvernement, mais la manière dont le programme Jeune Public est structuré peut servir de guide et d'inspiration.
Au cours de notre semaine cinématographique à Paris, nous avons eu l'occasion de visiter quelques autres cinémas très connus, membres d'Europa Cinemas, et de discuter avec les directeurs de leur vision et de leurs pratiques.
Nous avons d'abord rencontré Corinne Honliasso, directrice et programmatrice du Balzac. Ce cinéma est situé au cœur de Paris, dans le quartier des Champs-Élysées. En activité depuis 1935, Le Balzac est l'un des derniers cinémas de ce quartier autrefois très cinématographique qui comptait 20 cinémas et n'en compte plus que 4 aujourd'hui. Le Balzac est un bel espace avec son bar confortable et ses salles rétro qui accueillent le public autour d’une programmation exigeante. La priorité de Corinne : que le public fasse confiance au Balzac pour sa programmation et qu'il entretienne une relation étroite avec lui, dans le même esprit que son prédécesseur Jean-Jacques Schpoliansky, qui était lui aussi très connu du public de la salle.
Notre prochain arrêt était le Louxor où nous avons rencontré le directeur Emmanuel Papillon, qui nous a parlé de l'histoire de ce cinéma centenaire, qui après avoir été fermé pendant 30 ans a rouvert en 2013 en ravivant l'ancienne esthétique égyptienne tout en la gardant moderne. Il nous a ensuite expliqué que la mission principale du Louxor est d'être un cinéma de quartier où les habitants viennent voir une sélection des meilleurs films de la semaine. M. Papillon a souligné l'importance de bien connaître le quartier où se trouve le cinéma et de créer une identité en partant de là.
Enfin, nous avons terminé notre voyage au Studio des Ursulines, où nous nous sommes entretenus avec la directrice, Émilie Nouveau. Les Ursulines ont également une grande histoire de près de 100 ans. Le cinéma a d'abord été créé dans le but de projeter des films art et essai qui ne trouvaient pas facilement leur place dans les années 1920 et poursuit aujourd'hui cette différenciation en étant le premier et le seul cinéma en France spécialisé dans le jeune public. Ce cinéma à écran unique a gardé l'esthétique de l'ancien temps tout en étant moderne. Un rideau rouge cache l'écran de cinéma et, lorsqu'il se lève, indique aux enfants que le spectacle est sur le point de commencer et qu'ils entrent dans le monde magique du cinéma. Bien sûr, en raison de la nature du cinéma, celui-ci travaille beaucoup avec les écoles, mais il propose également un programme régulier pour les enfants de tous âges, ainsi que des ciné-clubs qui proposent des activités et des ateliers pour tous les âges et accueillent, avec d'autres cinémas de Paris, un festival de films pour le jeune public.
Dans l'ensemble, notre visite des cinémas parisiens dans le cadre du programme Next/Change s'est avérée une expérience inestimable qui nous a donné de nombreuses idées à mettre en œuvre dans nos cinémas. Et bien sûr, ce programme nous a également donné l'occasion de rencontrer des collègues très intéressants avec lesquels nous resterons en contact.
Maria Poliviou et Valentina Tsalampouni (Olympion et Warehouse 1)
Décembre 2023
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