Cinéma Comoedia, Lyon
Marc Bonny
Meilleur Entrepreneur 2018
Le Comoedia est un des plus anciens lieux de cinéma encore en activité en France. Il a traversé le siècle dernier depuis 1914, et son histoire permet de dérouler toute l'histoire du cinéma : du spectacle forain des origines au grand théâtre d'images en 70 mm des années 1960 et 1970 avec ses BEN HUR ou autre WEST SIDE STORY qui restaient programmés 40 semaines d’affilée dans une seule grande salle de 700 places. Sans oublier les heures tragiques de l’histoire, quand le Comoedia a fait partie des bâtiments de l’avenue Berthelot détruits par les bombardements de 1944, avant que le bâtiment principal ne soit reconstruit dans sa forme actuelle en 1949.
Au moment où la télévision prend son essor et devient un redoutable concurrent pour les salles de cinéma, les extensions successives, de 1 à 3 salles en 1974, puis de 3 à 6 salles en 1982, permettent de maintenir la fréquentation en multipliant l’offre. Vendu ensuite au groupe UGC en 1993, le Comoedia sera exploité pendant 10 ans sous cette enseigne avant que le développement des multiplexes comme horizon apparemment incontournable de l’exploitation ne scelle sa fermeture fin décembre 2003.
La fermeture de 2003 semblait définitive jusqu’à ce qu’une nouvelle équipe, emmenée par Marc Bonny, ne décide de relever le défi.
Celui-ci acquiert les murs et entreprend une profonde restructuration du site, avec notamment la création d’un grand hall et d’un espace Bistrot, une nouvelle organisation des accès aux salles. En plus des 6 salles de cinéma mises aux standards de qualité image et son, le lieu accueille désormais également les bureaux de la société de distribution Gebeka Films.
Le Comoedia ouvre à nouveau ses portes au public en Novembre 2006 avec un positionnement clairement tourné vers l’art et essai. Après le choc provoqué par sa fermeture, la réouverture va révéler un attachement très profond du public lyonnais pour ce cinéma historique de la ville. Six ans après sa réouverture, le Comoedia accueille plus de 300 000 spectateurs par an grâce à une programmation mettant en valeur le meilleur de l’actualité cinématographique et combinant films d’auteurs réputés et nouveaux réalisateurs ou premiers films. De nombreux acteurs et réalisateurs viennent à la rencontre du public lors d’avant-premières, soirées-débats, festivals, etc., tandis qu’une place importante est dédiée aux films de qualité à l’intention du jeune public, sur le temps scolaire comme en dehors.
L’heure est alors venue de penser à l’avenir et à la pérennité du lieu. Le cinéma est un marché de l’offre et, à l’heure où les principaux circuits disposent de lieux comprenant 10 à 15 salles, voire plus, il ne faut pas laisser passer l’opportunité de réaliser une extension lorsque celle-ci se présente, car c’est rare voire impossible en centre-ville.
Le projet d’extension a mis 6 ans à se concrétiser et les trois nouvelles salles ont ouvert leurs portes au public le 18 octobre 2017.
Un an plus tard, les résultats sont là, la fréquentation pour la première année à 9 salles s’établit à 375 000 entrées, ce qui fait du Comoedia un des tout premiers cinémas art et essai de France, en nombre d’écrans comme en fréquentation.
L’exploitation cinématographique, à Lyon comme ailleurs en France, a connu une grande concentration au cours des 30 dernières années. Désormais, deux grands circuits nationaux, UGC et Pathé, se partagent l’essentiel du marché des grandes villes. A Lyon, Pathé gère trois lieux pour 38 écrans et UGC quatre lieux pour 47 écrans. Dans ce contexte, et avec la hausse constante des prix de l’immobilier et du foncier dans les grandes villes, il n’est pas simple pour un entrepreneur indépendant de pouvoir accéder à des emplacements de qualité et à avoir ensuite accès aux films dans des conditions satisfaisantes.
Le projet initial consistait à vouloir faire du Comoedia un haut-lieu de l’exploitation art et essai, avec une programmation exigeante en version originale, le développement régulier d’avant-premières en présence des équipes de films, de festivals, de soirées-débats et une programmation ambitieuse et régulière en direction du jeune public. Cette ligne éditoriale, installée dès la réouverture du lieu en novembre 2006, et maintenue avec constance depuis lors, a permis de fidéliser un public et à nous démarquer des autres offres présentes sur la ville.
Parmi les autres éléments qui contribuent aussi à différencier le lieu : l’absence de publicité ou l’interdiction de consommer nourriture et boissons dans les salles… Ajoutons à cela les outils de communication développés au fil des ans : le site internet bien sûr mais aussi la présence régulière sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter ou Instagram.
Deux exemples d’évènements se déroulant dans le lieu : le festival Hallucinations Collectives, préparé par une association de passionnés du cinéma bis et qui a lieu chaque année début avril avec une belle fréquentation de mordus d’un cinéma différent et peu présent sur les écrans (fantastique, gore, étrange, nanar, culte) ; le « film-surprise + brunch », organisé le dimanche matin tous les deux mois. La projection d’un film-surprise (une avant-première proposée assez longtemps avant la date de sortie) est précédée dans la salle d’une présentation des films et évènements à venir et suivie d’un brunch au bistrot du cinéma.
Les interrogations actuelles portent principalement sur deux sujets : quelle va être la place des plateformes digitales dans les années à venir et comment leur développement inéluctable va-t-il pouvoir s’articuler avec l’exploitation en salles ? Dans un contexte de fréquentation en baisse et de durcissement du marché, comment résister à l’agressivité des circuits nationaux et à leur tendance à ne laisser que des miettes aux indépendants ?
La meilleure réponse à apporter me semble être de tenir une ligne éditoriale claire et cohérente et d’améliorer encore et toujours la qualité de l’accueil et la convivialité du lieu.
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